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24 mai 2014 6 24 /05 /mai /2014 07:55

 

LA PARURE (d'après Maupassant)

 

Jeanne, une grande et jolie fille, était née,

Hasard du destin, dans une famille ruinée.

Elle se laissa épouser

Par Paul Mabille, un petit fonctionnaire

Brave, mais casanier et effacé.

 

Elle aurait aimé sortir, danser, plaire,

Assister à des spectacles d’opérettes

Mais son mari n’avait pas les moyens

De lui offrir les bijoux et les belles toilettes

Qui permettent de fréquenter les beaux salons

Et les théâtres parisiens.

 

Un jour, Paul Mabille

Accepta une invitation

Au gala de l’Hôtel de Ville.

-« Mais je n’ai rien à me mettre pour aller là ! »

Paul n’y avait pas songé. Il balbutia :

-« Une robe couterait combien ? »

-« Je n’en sais rien… 

Peut-être quatre cent francs. »

Paul, ayant fait des économies

Pour s’acheter un fusil, répondit :

-« Soit. Je te donne ces quatre cent francs. »

-« Cela m’ennuie de n’avoir aucun bijou.

J’aurai l’air misère comme tout. »

-« Demande à ton amie Mme Forestier.

Elle te prêtera sûrement un de ses colliers. »

 

Jeanne y alla et revint chez elle

Avec une rivière de diamants fort belle.

 

Au bal, Jeanne eut un grand succès.

Tous les hommes voulaient lui être présentés.

Elle dansa toute la nuit.

 

Rentrée à l’aube au bras de son mari,

Elle s’aperçut au moment de se déshabiller

Qu’elle avait perdu la rivière

De Mme Forestier.

Les Mabille la cherchèrent.

Sans succès.

-« Si tu l’avais perdue

Dans la rue,

Nous l’aurions entendue tomber.

Toutefois, je vais refaire le trajet. »

 

Une heure après, Paul revenait

Sans avoir retrouvé le collier

Et déclarait :

-« Dis à ton amie que tu l’a fait réparer

Car tu en avais brisé la fermeture

Cela donnera le temps de nous retourner. »

 

Avant de rejoindre son bureau,

Paul passa à la Préfecture

Déclarer la perte du joyau.

 

Huit jours plus tard,

N’ayant plus aucun espoir

De retrouver la parure de son amie,

Jeanne dit à son mari :

-« Il faut la remplacer.»

 

Dans la vitrine d’un bijoutier,

Elle vit un chapelet de diamants

Qui ressemblait tout à fait

À celui de Mme Forestier.

Il valait cinquante mille francs !

Les Mabille durent prendre des engagements

Auprès d’un prêteur

…Sans même savoir comment

Ils pourraient y faire honneur.

 

Épouvantée par les années de misère

Qu’ils devraient endurer pour rembourser,

Jeanne se rendit chez son amie

Et lui remit la rivière

Qu’elle venait d’acheter.

 

Toute émue,

Elle lui dit :

-« Ton collier, ma vieille,

Je l’ai perdu.

J’ai dû en acquérir un autre tout pareil.

Et pour le payer, il nous faudra sûrement

Travailler jour et nuit plus de quinze ans. »

 

-« Oh ! Comme je te plains, ma pauvre fille ;

Mais mon bijou… était une pacotille ! »

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23 mai 2014 5 23 /05 /mai /2014 07:58

LA SOLITUDE

 

À la fin du diner,

Nous étions fort gais.

Un vieil ami me dit :

« Veux-tu remonter à pied

Les Champs-Élysées ? »

Et nous voilà partis.

 

Comme nous passions devant un banc

Où deux jeunes s’enlaçaient tendrement.

Mon voisin a balbutié :

« Ces gens m’inspirent de la pitié.

Ils cherchent comme nous

À faire cesser leur isolement fou.

Mais ils demeureront seuls ; et nous aussi.

On s’en aperçoit plus ou moins. Mais c’est ainsi.

 

Depuis longtemps j’ai compris

L’affreuse solitude où je vis

Et je sais que rien

Ne peut la faire cesser, rien,

 

Tu vois, ce soir, je n’ai pas osé

Rentrer dans mon appartement

Parce que je sentais

Que j’allais souffrir d’isolement.

Je parle, tu m’écoutes, et nous sommes seuls,

Côte à côte, mais seuls.

 

Musset a écrit :

 Qui vient ? Qui m’appelle ? Personne.

Je suis seul. C’est l’heure qui sonne.

Ô solitude ! Ô pauvreté !

Mais chez lui,

Ce n’était qu’un état passager.

Et Flaubert, n’a-t-il pas écrit

À une amie :

Nous sommes tous dans un désert. Personne

Ne comprend personne.

 

La terre sait-elle ce qui se passe

Dans les étoiles jetées

À travers l’espace ?

Nous n’apercevons que leur clarté.

Eh bien ! L’homme

Ne sait pas davantage ce qui se passe

Dans un autre homme. Nous sommes

Plus éloignés les uns des autres que les astres.

 

Il y a là des hommes. Je vois leurs yeux

Mais leur âme derrière eux,

Je ne la connais pas.

Peut-être ne m’aime-t-elle pas ?

Que pense-t-elle ?

Se moque-t-elle ?

Quel mystère que la pensée d’un  être,

Pensée que je ne peux connaître !

 

Ce sont les femmes qui le plus souvent

Me font percevoir mon isolement.

Ah ! Comme, par elles, j’ai souffert !

Misère de misère !

La femme est un Rêve mensonger.

Le temps passé avec cet être à longs cheveux,

Au sourire délicieux,

Aux traits charmeurs,

Au regard enjôleur

Égare mon esprit !

Ce n’est qu’une illusion qui me séduit.

Après chaque baiser,

Mon isolement s’agrandit.

 

Sully Prudhomme n’a-t-il pas écrit :

Les caresses ne sont que d’inquiets transports

Infructueux essais du pauvre amour qui tente

L’impossible union des âmes par les corps…

 

Voici ce qui me hante :

Me sachant condamné

À cette solitude détestée,

Je regarde la vie

Sans jamais donner mon avis.

 

Ne pouvant rien partager,

Je me suis désintéressé

De tout. J’use de phrases banales

Pour répondre aux questions banales

Et je présente un sourire léger

Quand je ne veux pas parler. »

 

Mon ami me quitta sur ces mots.

Était-il sage ou gris ?

Il me semble plutôt

Qu’il avait perdu l’esprit.

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22 mai 2014 4 22 /05 /mai /2014 08:43

 

SOUVENIRS (d'après Maupassant)

 

Mon cher Tristan,

 

Non, ce printemps,

Je ne viendrai pas à Paris.

Je reste dans mon trou, comme tu dis.

La vieille bête ne sort plus de son terrier.

Tout la fatigue, tout l’effraye.

Je n’ai plus de nouvelles joies.

Je n’ai que d’anciennes joies.

 

Je ne puis plus quitter

La maison où je suis née,

Où j’ai vécu, où j’espère mourir.

J’y suis enveloppée de souvenirs.

 

Je vis seule.

Cela t’étonne qu’on puisse être seule ?

Que veux-tu ?

Je suis entourée d’objets si familiers,

Si connus

Qu’ils remplacent parents et amitiés.

Ils me parlent de ma vie, des miens,

Des morts et des vivants lointains.

 

Le bonheur,

Le vrai bonheur

Ne se tient pas dans la félicité.

Elles sont rares les félicités !

Le bonheur, c’est l’attente, la confiance,

C’est un horizon plein d’espérance,

Le bonheur, c’est le rêve !

Il n’y a de bon que le rêve.

Mais au lieu de rêver en avant,

Je rêve en arrière maintenant.

Quand on a quatre-vingts ans

Il semble qu’on était adolescent

Il y a seulement dix jours.

 

L’autre jour,

Devant mon feu, j’ai retrouvé

Un coucher de soleil que j’avais admiré

Sur la plage de Dinan

Quand j’avais seize ans.

La lueur rouge des tisons

A dû sans doute réveillé

Dans mon esprit la vision

De ce début de nuit

Quand le feu du soleil embrasait l’horizon,

 

Je me suis tout rappelé :

La vue, ma robe, mon chapeau rond,

Et mes cheveux blonds bouclés.

J’ai senti l’odeur salée

Des sables mouillés.

Je respirais l’air marin iodé

Qui sur ma figure soufflait.

J’ai frémi de la même exaltation.

Toutes mes anciennes sensations

M’ont assaillie.

J’ai eu seize ans pendant un instant, oui !

 

Je me procure parfois,

D’autres petites joies.

Je monte au grenier,

Et j’y trouve des objets

Que j’avais oubliés.

Ils avaient traîné

Quarante ou cinquante ans près de nous,

Sans que nous les ayons jamais remarqués

Revus, ils prennent tout à coup,

La signification d’amis oubliés.

 

Ce sont des niaiseries

Mais elles font la vie

Des vieilles gens.

Tu comprends ?

Et puis, vois-tu, je voudrais

Comme Sainte-Beuve l’écrivait :

Naître, vivre et mourir dans la même maison.

 

Je t’embrasse. Ta vieille tante Suzon.

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10 mai 2014 6 10 /05 /mai /2014 08:20

 

 

 "Balourdises"    est un blog qui contient plus de 229 000 pages aux thèmes variés : Politique, humour, écologie, musique, histoire, cinéma…

 

Il regroupe 38 000 articles qui ont été lus par 94 000 visiteurs

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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 08:50

UNE VENDETTA (d'après Maupassant)

 

Près de Bonifacio, la veuve Baranis

Habitait avec Antoine, son dernier fils

Et son gros chien-berger Sémillant.

 

À la suite d’un différend,

Antoine fut assassiné par Ravoleti.

 

Quand la vieille mère

Reçut le corps de son petit

Que des passants lui rapportèrent,

Elle demeura à le regarder

Puis, levant sa main ridée,

Promit la vendetta :

« Tu seras vengé, mon garçon, va ! »

 

Une nuit, la mère conçut l’idée

De sa vengeance. Au jour levé,

Elle porta de l’eau à son chien

Mais rien de plus, ni soupe ni pain.

 

Le lendemain, Sémillant

N’eut de nouveau  rien à manger.

La bête furieuse, le poil hérissé

Tirait sur sa chaîne éperdument.

Le jour suivant,

Avec de vieux vêtements,

La veuve confectionna

Un mannequin bourré de paille.

Autour du cou de l’épouvantail,

Elle lui ficela

Un gros morceau de boudin

Et l’attacha

Au portail de son jardin.

 

Puis la vieille déchaîna Sémillant

Qui, sans discernement,

Se jeta sur sa proie, la déchira,

S’acharna et la dévora.

 

Ensuite, la veuve alla le renchaîner.

Pendant trois jours, elle le fit jeuner

Puis jugeant que ce cruel entrainement

Était suffisant,

Elle se rendit chez l’assassin

En compagnie de son chien.

 

Elle acheta en chemin,

Un morceau de boudin.

Et le fit sentir à Sémillant pour l’énerver.

 

Dès qu’elle fut arrivée,

Elle lâcha le chien sur Ravoleti, en hurlant :

-« Va, dévore, dévore ! »

Le chien s’élança.

Ravoleti s’écroula.

L’animal lui fouilla le corps,

Arracha la chair par lambeaux.

Le sang coulait à flots.

Ravoleti se tordit de douleur un instant,

Puis expira.

 

Avec son fidèle Sémillant,

La veuve Baranis, apaisée, rentra.

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28 avril 2014 1 28 /04 /avril /2014 08:00

Quelques mots occitans ou anciens

 utilisés par Robert Merle dans ses romans :

 

S’accagnarder : paresser

S’accoiser        : se taire

S’amalir           : faire le méchant

Biscoter            : peloter

Se ramentevoir : se rappeler

Tortognoner      : hésiter

Se trantoler        : flâner

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21 avril 2014 1 21 /04 /avril /2014 06:16

LE PETIT (d'après Maupassant)

 

Pendant cinq ans,

René Tubeuf avait aimé sa femme Lily

Mais ils n’eurent pas de descendant.

 

Un jour enfin, Lily

Mit au monde un enfant

Qu’ils appelèrent Guy.

Mais hélas, elle dût sacrifier sa vie

Pour que le bébé puisse exister.

 

René éleva son petit

Avec une inlassable dignité.

 

Or, trois fois par semaine,

Un ami du ménage, François Dumaine

Venait diner chez eux.

Au dessert, invariablement

François s’exclamait :

-« Comme on est heureux ! »

Il chérissait le petit Guy tendrement.

 

Par contre, Jean, le serviteur de René,

N’aimait pas le jeune Guy.

Lors d’un repas, l’enfant repoussa

Son assiette en faisant : « Pouah ! »,

Le serviteur s’approcha alors de lui,

Saisit la cuiller et l’enfonça

Dans la bouche du petit Guy

Qui s’étrangla, cracha, toussa…

 

Son père, pris de furie,

Se leva, étreignit Jean

Et le jeta dans le corridor :

-« Brute ! Dehors ! Dehors ! »

 

Le valet balbutia, tout tremblant :

-« Ne me traitez pas ainsi ! Vous …

Ce morveux n’est pas à vous !

Demandez à l’épicier, au boulanger…

Tout le monde le sait.

Regardez-le !

C’est le portrait de M. Dumaine, votre ami.

Regardez ! Le même nez, les mêmes yeux…»

 

Abasourdi, M. Tubeuf alla coucher son fils.

 

Le lendemain,

Jean, qui montait à René

Son plateau de petit-déjeuner

Comme chaque matin,

Découvrit son maître pendu.

Il appela le docteur Delarue

Qui affirma que la mort remontait

À la veille, vers minuit.

 

Sur un papier,

Le suicidé avait noté :

François, je vous confie le petit.

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16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 08:44

 

LES CARESSES (d'après Maupassant)

 

Non, mon ami, n’y songez plus.

Ce que vous demandez, me dégoûte.

On dirait, somme toute,

Que Dieu a voulu

Gâter tout ce qu’il y a de charmant

Dans notre amour

En y joignant quelque chose d’horrifiant.

 

Il nous avait donné le bel amour

Mais le trouvant sans doute trop correct,

Il a imaginé les sens.

Ils sont brutaux, les sens,

Révoltants et abjects.

 

En les mêlant aux ordures de la chair,

Il a ôté à l’amour son beau mystère.

Il l’a enveloppé d’un acte affreux,

Véritablement honteux.

Il l’a façonné avec un tel mépris

Qu’en en parlant, j’en rougis.

Vos caresses révoltent mon âme,

Blessent mes yeux de femme.

 

Certes, je me plais près de vous.

Votre regard m’est doux

Mais du jour où vous aurez

Obtenu de moi ce que vous désirez,

Vous me deviendrez odieux ;

Le lien qui nous attache tous deux

Sera définitivement brisé.

Je vous l’assure : entre nous,

Un abîme d’infamie serait creusé.

 

Votre amie, Odette de Lanoux.

            ------------------------------------

 

Mon amie,

Ma chère amie,

 

Permettez-moi de vous parler brutalement

Sans ménagements galants

Comme je parlerais à une demoiselle

…Qui voudrait prononcer des vœux perpétuels !

Vous connaissez

Ces vers de Musset :

Je me souviens encore de ces spasmes terribles,

De ces baisers muets, de ces muscles ardents,

De cet être absorbé, blême, serrant les dents.

S’ils ne sont pas divins, ces moments sont horribles.

 

Votre dégoût,  je l’éprouve moi-même quand,

Emporté par l’impétuosité du sang,

Je me laisse aller

Bon gré, mal gré,

À d’aventureux accouplements.

 

Mais quand une femme

Est pour moi l’être d’élection,

Au charme constant,

À l’infinie séduction

Comme vous l’êtes,

Je proclame

Avec ferveur

Que la caresse, ma chère Odette,

Devient le plus complet des bonheurs.

 

Si, après l’étreinte, notre ardeur

S’éteint, effectivement,  nous nous trompons.

Mais si elle grandit, oui, nous nous aimons.

 

Les baisers froids et violents

Sur des lèvres inconnues,

Les regards fixes et ardents

Vers des yeux qu’on n’a jamais vus

Confèrent  une amère mélancolie.

J’ai l’expérience. Je vous l’ai déjà dis !

 

Mais quand deux amants

Sont unis par un véritable amour,

Quand ils pensent longtemps

L’un à l’autre et même toujours,

Quand, lors d’un éloignement,

Vous apparaissent

Sans cesse

Le visage, la voix, le sourire

De l’être aimé,

Songez-y, n’est-il pas naturel,

N’est-il pas confirmé

Qu’au retour (quant à moi,

Je le crois),

Les lèvres s’unissent avides de désir,

Les bras s’ouvrent, les corps se mêlent ?

 

N’avez-vous jamais eu envie d’un baiser ?

Dites-moi si les lèvres

N’appellent pas les lèvres ?

C’est parfois un piège. Je sais.

Si la Nature nous donne la caresse uniquement

Pour nous forcer

À éterniser

Les générations, alors, volons-lui !

Faisons-la notre, raffinons-la,

Idéalisons-la.

Aimons la caresse comme le fruit

Qui parfume la bouche, comme la liqueur

Qui grise notre humeur.

Trompons la Nature. Faisons plus

Qu’elle n’a voulu,

Plus qu’elle n’a osé nous enseigner

Sans nous soucier de ses desseins premiers.

 

Prenons cette caresse délicieuse

Et travaillons-la

Comme une matière précieuse.

Perfectionnons-la

Jusqu’en d’impures combinaisons

Et de monstrueuses inventions.

 

Laissons les moralistes prêcher la pudeur,

Les médecins conseiller la prudence,

Les poètes chanter l’immatériel bonheur.

Laissons les femmes laides à leur conscience,

Laissons les prêtres, les moines, les frères

À leurs commandements pieux

Et les savants à leurs travaux oiseux.

Abandonnons aux doctrinaires

Leur philosophie fourre-tout,

 

Et nous, aimons la caresse avant tout !

La caresse qui ranime, affole, épuise.

Celle qui est plus légère que la brise.

 

Et, ma chérie, si vous souhaitez

Que je vous dise une vérité,

La voici : les seules femmes heureuses

Sur cette terre piteuse

Sont celles à qui

Nulle caresse ne manque.

Les autres, celles pour qui

Les caresses sont mesurées ou rares,

Incomplètes ou bizarres

Vivent harcelées par mille tourments,

Par des tas d’événements

Qui deviennent vite des chagrins.

 

Les femmes bien caressées n’ont besoin de rien,

Ne désirent rien,

Ne regrettent rien

Car la caresse remplace tout,

Guérit de tout, console de tout.

 

L’ami qui vous aime, votre Damien.

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6 avril 2014 7 06 /04 /avril /2014 08:07

VOYAGE DE NOCE (d'après Maupassant)

 

Personnages : Mme Rivoil, cinquante ans

Mme Bevelin, soixante ans.

Un salon.

 Sur la table : un livre de Mme Juliette Lambert.

 

Mme RIVOIL :

Ce livre m’a fait

Un singulier effet.

Je me sens réellement

L’héroïne de ces pages.

À l’époque, mon âge

Avoisinait les vingt ans

Ah ! Comme je pleure ce passé suranné

Si court mais hélas bien terminé.

 

Mme BEVELIN :         

Pourquoi regrettez-vous tant

Cette vie disparue depuis longtemps ?

 

Mme RIVOIL :

Oh ! Je ne regrette qu’une chose :

Mon voyage de noce.

Voilà pourquoi ce livre, ce bijou,

La Chanson des nouveaux époux

M’a tant bouleversé, chagriné.

Imaginez :

Je partais seule avec Lui,

Partout, toujours, mêlée à Lui.

L’enivrement était tel que tout chavirait.

Mon réveil n’eut lieu qu’un mois après.

 

Souvent, nous ne L’aimons pas vraiment, Lui.

Qu’importe, c’est l’amour qu’on aime,

L’amour lui-même.

Oui !

Il est toutes nos attentes parachevées.

Il est l’espoir saisi.

Il est Celui

À qui nous nous sommes données,

À qui nous allons nous dévouer,

Et que nous allons façonner.

 

Durant le premier mois, tout cela s’est accompli

Mais il n’y a que ce mois-là dans la vie.

Pas un autre.

Aucun autre !

 

Ce voyage d’amour chanté par Mme Lambert,

Je l’ai fait, mon amie.

 

En lisant son récit, mon cœur a frémi.

J’ai retrouvé ces moments si chers,

En redécouvrant trente ans après

Les mots doux qu’Il me susurrait.

J’ai cru recommencer

Ce tendre passé.

Sa voix, je l’entendais.

Ses yeux, je les admirais.

 

Oh, comme il m’a fait souffrir depuis !

Imaginez :

Toute ma joie a été emprisonnée

Dans mon seul voyage de noce. Oui !

 

Ce voyage fut un rêve.

Sur la route, si, par instants,

Je regardais le paysage,

Ce sont Ses lèvres

Que je voyais délicatement

S’approcher de mon visage.

 

Puis je me sentis sur un bateau

Qui voguait, parait-il, vers Bonifacio.

J’aperçus au loin les côtes de Provence.

Soudain, la brise s’est levée.

La fraîcheur n’était pas une apparence :

Je tremblais.

Il m’a prêté son veston

Et nous avons dormi sur le pont.

 

Un matelot nous réveilla :

-« Respirez ! C’est la Corse

Qui sent comme ça. »

 

Au retour de Corse,

Une tristesse m’envahit :

J’avais fait le tour du bonheur de ma vie.

 

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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 08:29

 

APPARITION   (d'après Maupassant)

 

Lors d’un diner, rue de la Convention,

Nous parlions de séquestration.

 

Le marquis de Magenta

S’est levé

Et nous raconta

Une histoire qui m’a bouleversé :

 

-« C’était en mars 1826.

J’étais en vacances à Nice

Et rencontrais par hasard Francis des S.,

Un ami de jeunesse.

 

Depuis l’université,

On ne s’était

Jamais revus.

Il semblait fourbu

Et marchait courbé.

Voici

Le malheur qui lui était arrivé

Et qui avait brisé sa vie :

Il avait épousé Anne de Rouvrais.

Cinq ans plus tard, elle mourrait.

Il quitta le Vert Clos, son vieux château,

Et vint s’installer à Monaco.

Solitaire, rongé par la douleur,

Il pensait à un suicide libérateur.

 

-« Puisque je te retrouve, m’a-t-il dit,

Et que je ne connais personne ici

Pourrais-tu aller au plus tôt

Me chercher au Vert Clos

Une lettre dont j’ai un urgent besoin.

Je compte sur toi

Et sur ton absolue discrétion

Car hélas, pour moi,

Il n’est pas question

De retourner dans cette maison. »

 

Il m’expliqua ce que je devais faire

Et me confia la clé de son secrétaire.

Je m’y rendais.

Le château semblait abandonné.

 

Dans sa chambre, le lit était défait

Et je remarquai

L’empreinte d’un coude ou d’une tête,

Comme si quelqu’un venait

De s’y reposer.

 

Une persienne était entrouverte.

J’y voyais suffisamment clair

Pour ouvrir le secrétaire.

Je déchiffrais les suscriptions

Quand j’ai senti un frôlement derrière moi.

Tout d’abord, je n’y fis point attention.

Un courant d’air dans les rideaux de soie ?

Non. Un nouveau déplacement

Me fit frissonner.

 

J’allais saisir le document

Que Francis m’avait demandé

Quand j’entendis soupirer dans mon dos.

Je me suis retourné aussitôt.

Une femme vêtue de blanc

Me regardait avec attention.

Je ne crois, c’est évident,

Ni aux fantômes ni aux apparitions.

 

Elle me dit d’une voix douce et lisse :

-« Monsieur, rendez-moi un service ! »

Me tendant son peigne, elle a murmuré :

-« Peignez-moi, s’il vous plait. »

La panique m’envahit.

Je sautai dans l’escalier et m’enfuit.

 

Chez moi, je m’aperçus

Que sur mon pardessus.

Une mèche de cheveux longs

Était enroulée autour d’un bouton.

Trop troublé

Pour me rendre chez mon ami,

Je demandai à mon valet

D’y aller.

 

Le lendemain j’allais voir Francis,

Résolu à lui dire la vérité vraie.

Il était sorti et n’était pas rentré.

Je revins dans la soirée, il était absent.

J’ai patienté une semaine durant.

Sa concierge n’avait pas revu Francis.

Alors j’ai prévenu la gendarmerie.

On l’a recherché. Sans succès.

 

On a perquisitionné dans son château

Et chez lui à Monaco.

Ces visites ne donnèrent rien.

On ne découvrit rien de suspect

Ni aucune personne dissimulée.

 

Que c’était-il passé ?

L’enquête n’aboutissant à rien,

Les recherches furent interrompues.

Depuis, j’ignore ce qu’il est advenu. »

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