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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 08:29

 

APPARITION   (d'après Maupassant)

 

Lors d’un diner, rue de la Convention,

Nous parlions de séquestration.

 

Le marquis de Magenta

S’est levé

Et nous raconta

Une histoire qui m’a bouleversé :

 

-« C’était en mars 1826.

J’étais en vacances à Nice

Et rencontrais par hasard Francis des S.,

Un ami de jeunesse.

 

Depuis l’université,

On ne s’était

Jamais revus.

Il semblait fourbu

Et marchait courbé.

Voici

Le malheur qui lui était arrivé

Et qui avait brisé sa vie :

Il avait épousé Anne de Rouvrais.

Cinq ans plus tard, elle mourrait.

Il quitta le Vert Clos, son vieux château,

Et vint s’installer à Monaco.

Solitaire, rongé par la douleur,

Il pensait à un suicide libérateur.

 

-« Puisque je te retrouve, m’a-t-il dit,

Et que je ne connais personne ici

Pourrais-tu aller au plus tôt

Me chercher au Vert Clos

Une lettre dont j’ai un urgent besoin.

Je compte sur toi

Et sur ton absolue discrétion

Car hélas, pour moi,

Il n’est pas question

De retourner dans cette maison. »

 

Il m’expliqua ce que je devais faire

Et me confia la clé de son secrétaire.

Je m’y rendais.

Le château semblait abandonné.

 

Dans sa chambre, le lit était défait

Et je remarquai

L’empreinte d’un coude ou d’une tête,

Comme si quelqu’un venait

De s’y reposer.

 

Une persienne était entrouverte.

J’y voyais suffisamment clair

Pour ouvrir le secrétaire.

Je déchiffrais les suscriptions

Quand j’ai senti un frôlement derrière moi.

Tout d’abord, je n’y fis point attention.

Un courant d’air dans les rideaux de soie ?

Non. Un nouveau déplacement

Me fit frissonner.

 

J’allais saisir le document

Que Francis m’avait demandé

Quand j’entendis soupirer dans mon dos.

Je me suis retourné aussitôt.

Une femme vêtue de blanc

Me regardait avec attention.

Je ne crois, c’est évident,

Ni aux fantômes ni aux apparitions.

 

Elle me dit d’une voix douce et lisse :

-« Monsieur, rendez-moi un service ! »

Me tendant son peigne, elle a murmuré :

-« Peignez-moi, s’il vous plait. »

La panique m’envahit.

Je sautai dans l’escalier et m’enfuit.

 

Chez moi, je m’aperçus

Que sur mon pardessus.

Une mèche de cheveux longs

Était enroulée autour d’un bouton.

Trop troublé

Pour me rendre chez mon ami,

Je demandai à mon valet

D’y aller.

 

Le lendemain j’allais voir Francis,

Résolu à lui dire la vérité vraie.

Il était sorti et n’était pas rentré.

Je revins dans la soirée, il était absent.

J’ai patienté une semaine durant.

Sa concierge n’avait pas revu Francis.

Alors j’ai prévenu la gendarmerie.

On l’a recherché. Sans succès.

 

On a perquisitionné dans son château

Et chez lui à Monaco.

Ces visites ne donnèrent rien.

On ne découvrit rien de suspect

Ni aucune personne dissimulée.

 

Que c’était-il passé ?

L’enquête n’aboutissant à rien,

Les recherches furent interrompues.

Depuis, j’ignore ce qu’il est advenu. »

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