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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 04:43

LE  VERROU

 

Les quatre verres posés devant les dineurs

Restaient à moitié pleins à cette heure

Ce qui indiquait

Que les convives l’étaient tout à fait.

Les voix prenaient des éclats tonitruants

Et les gestes devenaient exubérants.

 

L’un des amis raconta au dessert

L’histoire de sa première inconduite.

(C’était une femme du monde qu’il avait séduite.

Ou bien était-ce la femme qui l’avait séduit ?

Ceci revient au même dans l’affaire) :

 

-« La chose s’est passée une nuit

À la fin du mois de novembre.

Comme ma cheminée fumait,

J’avais éteint le feu dans la chambre.

Mon amie s’exclama : -Ça ne fait rien, j’en ai !

 

Le cœur palpitant,

Je fermai les contrevents.

À tâtons, je la cherchais

Et la trouvais…

Ce fut une heure de folie.

Puis nous nous sommes endormis.

 

Au matin, j’entendis qu’on m’appelait.

Les volets étaient ouverts.

Au milieu de la chambre, debout, là,

Un fumiste et le propriétaire

Nous contemplaient.

 

Mon amie se débattait, hurlait.

Pour se cacher, elle saisit le drap.

-‘’Que faites-vous chez moi, s’il vous plait ?

Fichez-le camp, nom de Dieu ! ‘’

Les deux hommes sortaient à reculons :

-« Pardon, monsieur,

Nous nous excusons.

La concierge nous avait dit

Que vous étiez sorti.

Si nous avions cru

Vous déranger, nous ne serions pas venus.’’

 

Ah ! On ne m’y reprendra pas de sitôt.

Depuis ce jour, je ne tire plus les rideaux

Mais, voyez-vous,

Je pousse toujours le verrou ! »

 


 

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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 10:40

d'après UN  COQ  CHANTA de Maupassant

 

Mme Olga de Valençay

Avait jusque-là repoussé

Les supplications du baron Joseph de Francoeur.

 

Durant l’été, son admirateur,

L’avait poursuivie ardemment.

Il donnait maintenant

Pour elle des fêtes et des chasses

En son château de Bazas.

 

Valançay était gros, petit, court de bras,

De jambes, de cou,

De nez, de tout.

Il vivait séparé de sa femme

Pour cause de faiblesse physique que Madame

Ne lui pardonnait pas.

 

Olga était grande, jeune et déterminée.

Elle n’avait encore rien accordé.

Joseph la harcelait de ses prières.

Olga lui répondait avec un clin d’œil  :

-« Si je dois tomber, mon cher,

Ce ne sera pas avant la chute des feuilles. »

 

Fin octobre, à Bazas,

Joseph organisa une chasse.

Au moment du départ,

Olga le retint, non par hasard :

-« Si vous tuez un cerf,

J’aurais quelque chose pour vous, mon cher. »

 

D’une oreille, Joseph avait écouté

Cette parole tellement souhaitée

Et de l’autre, il suivait le chant des cors

Et la voix des chiens qu’on entendait encore.

-« Vous m’aimez, n’est-ce pas ? »

-« Cette question ne se pose même pas. »

-« La chasse semble pourtant

Vous occuper plus que moi, en ce moment. »

-« Mais, vous vouliez que j’abatte un animal… »

-« J’y compte et vous le tuerez devant moi. »

 

Joseph embrassa Olga,

Piqua son cheval

Et s’élança.

Elle, cingla le flanc de sa jument.

Ils ont ainsi chevauché,

Côte à côte, un long moment.

Le tumulte de la chasse se rapprochait.

 

Devant eux, tout à coup, passa un cerf.

Ils le pourchassèrent.

Deux heures plus tard, l’animal gisait,

Au lieu-dit La Bassée.

 

Olga embrassa le baron :

-« Rentrons ! »

Ils revinrent au château

Et dinèrent tôt.

Elle lui donna un baiser :

-« Je suis lasse, je vais me reposer. »

 

Quelques minutes après,

Joseph grattait

À la porte de la chambre d’Olga.

Elle l’accueillit, le caressa

Et de son doigt

Lui montra le lit:

-« Je vais revenir. Attendez-moi. »

Alors Joseph se dévêtit

Et s’enfonça dans les draps.

Mais Olga ne revenait pas,

S’amusant sans doute à le faire languir.

Peu à peu, les membres du baron s’engourdirent,

Sa pensée s’assoupit

Puis fatigué par la chasse, il s’endormit

Jusqu’au matin.

 

Dans le poulailler voisin,

Un coq chanta.

Joseph se réveilla…

Dans un lit

Qu’il ne connaissait pas.

Sentant contre lui

Un corps de femme, il balbutia :

-« Quoi ? Qu’y a-t-il ? Je suis où ? »

Alors Olga,

Contrariée et fâchée,

Lui répondit avec le même ton hautain et glacé

Qu’elle utilisait avec son mari :

-« Mon ami,

C’est un coq qui chante. Rendormez-vous ! »

 

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8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 07:36

 

d'après LE  VOLEUR de Guy de Maupassant

 

Ce soir-là,

Après un diner chez Claude Servat,

Nous restâmes seulement trois :

Le Poittevin, notre hôte et moi.

 

Nous étions gris.

Étendus sur des tapis,

Nous discourions

Quand soudain Servat

Se leva

Et décrocha de sa collection

Une tenue de hussard. Il s’en revêtit.

Après quoi, il contraignit

Le Poittevin à se costumer en grenadier

Et, moi, il me déguisa en cuirassier.

 

Tout à coup, Le Poittevin nous fit taire :

-« On a marché dans le belvédère. »

Servat s’écria :

-« Au voleur ! » Et il entonna :

Aux armes citoyens !

Puis il nous équipa un à un.

Pour moi, un sabre et un mousquet.

Pour Le Poittevin, un pistolet

Servat saisit une sorte de pétoire.

 

On ouvrit la porte du belvédère.

L’armée entra sur le territoire.

-« Tenons un conseil de guerre ! »

Dit Servat qui se nomma général

Et ordonna : -« Toi, les cuirassiers,

Tu vas couper la retraite à cet animal.

Toi, le grenadier,

Tu seras mon ordonnance. »

 

Le gros des troupes opéra une reconnaissance.

On fouilla un peu, sans voir l’ennemi.

Puis Servat regarda sous le lit.

Moi, j’ouvris l’armoire et reculai stupéfait :

Un homme me dévisageait.

Je refermai la porte aussitôt

Et la verrouillai à double tour de clé.

 

L’on tint conseil de nouveau :

Servat voulait tenir le voleur enfermé.

Le Poittevin parlait de l’affamer.

Je proposai de l’embrocher.

Servat dit : -« Je voudrais le voir. »

On ouvrit les deux battants de l’armoire.

Ce fut une bousculade effroyable,

Une lutte invraisemblable.

Il s’agissait d’un vieux bandit

À cheveux gris,

Sordide et déguenillé.

Nous lui avons lié les mains, les pieds

Et nous l’avons assis sur une chaise.

 

Servat, tout pénétré d’ivresse,

Se tourna vers nous :

-« Nous allons le juger, voulez-vous ? »

Nous étions si gris que cette proposition

Nous parut d’importance.

Le Poittevin présentait la défense

Et moi, je soutenais l’accusation.

L’homme fut condamné à mort à l’unanimité.

 

Nous allions l’exécuter

Quand un scrupule se fit jour :

On ne meurt pas sans les secours de la religion.

Il fallait un prêtre et sa divine onction

J’objectais : -« Il est deux heures du matin. »

-« Alors qu’il se confesse à Le Poittevin ! »

L’homme roulait des yeux épouvantés :

-« Vous plaisantez ! »

 

De force, Servat

L’agenouilla.

Et simulant un baptême, il lui versa

Sur la tête 

Un gobelet de sainte anisette :

-« Maintenant, confesse tes péchés ! »

S’époumonant, le vieux gredin hurlait :

-« Au secours ! Au secours ! »

 

Afin de ne pas réveiller

La ville et la cour

On dut le bâillonner.

Il se tordait, ruait.

 

Servat criait :

-« Qu’allons-nous en faire, à la fin ! »

-« Avons-nous le droit de tuer ce bandit ? »

Demanda Le Poittevin.

Servat répondit

Gravement

Et plein de stupéfaction

(Mais pas seulement) :

-« Oui, nous avons prononcé sa condamnation ! »

Mais l’autre le reprit : -« On ne fusille

Pas les civils. »

-« Alors, il est bon pour le supplice.

On va le conduire au poste de police. »

 

Le vieux fut donc emmené au commissariat;

Mais là, nos farces étaient bien connues,

L’inspecteur refusa de garder le paria.

 

Et nous voilà repartis avec le détenu.

Arrivés à notre garnison,

On dénoua ses liens.

On retira son bâillon :

-« Laissez-moi partir, nom d’un chien ! »

 

On lui offrit un verre de rhum

Et nous trinquâmes avec le bonhomme.

 

Comme le jour allait paraître

Cette canaille d’être

Se leva et dit d’un ton sentencieux :

-« Pardonnez-moi,

Mais il serait judicieux

Maintenant que je rentre chez moi.

Sachez que c’est à regret

Que je vais quitter votre aimable compagnie. »

 

Nous nous sentîmes frustrés.

On voulut le retenir. Mais nenni,

Il refusa. On lui serra la main

Et dans un ultime geste humain,

Je lui criais : -« Sous la porte cochère,

Le pavé est glissant. Méfiez-vous, mon cher ! »

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 08:42

D' après "AUTRES  TEMPS" de Guy de Maupassant

 

Gros homme asthmatique,

Le juge de paix,

Siège devant une table napée

De feutre vert

Empestant l’encaustique.

Flanqué de sa greffière,

Il lui parle lentement

En expectorant souvent.

 

Au fond de la pièce, à droite, des paysans

En blouses bleues, casquettes sur leurs genoux,

Sont assis sur un banc branlant.

Pour leurs affaires, ils préparent mentalement

Leurs meilleurs arguments.

 

La plaignante, debout de l’autre côté,

Est appelée par le juge de paix.

C’est une normande,

La cinquantaine couperosée, grande,

Sèche et pointue.

Le prévenu

Est un pauvre hère de vingt-huit ans.

Elle et lui se lancent des regards méchants.

Lui, est assisté par son père,

Un fermier sans caractère

Et par sa femme, une chair à reproduction

Bonne à primer dans une compétition.

 

Veuve, la plaignante avait réservé

Le jeune dépravé

À ses plaisirs peu innocents.

En remerciement,

Elle lui avait donné quelques arpents.

 

Jugeant être doté suffisamment,

Le prévenu avait contracté

Mariage…et délaissé

La vieille, qui, exaspérée,

Voulait récupérer son bien :

Ou le garçon ou le terrain.

 

Le juge avait écouté

La plainte avec perplexité

Et interrogeait le prévenu maintenant :

-« Pourquoi vous a-t-elle donné ces arpents ?

Qu’avez-vous fait pour les mériter ? »

-« C’terrain, a m’l’a donné.

C’ que j’ai fait, m’sieur l’juge de paix ?

…Mais v’là douze ans qu’a m’sert de trainée.

A n’peut point dire qu’ ça

N’valait pas ça ! »

Le père du prévenu se dressa :

-« Oui, l’terrain, ça valait ça !

Croyez-vous que j’y aurais donné mon éfant

Dès s’n âge de seize ans

Si j’avions point compté su’d’la reconnaissance »

 

À son tour, la jeune femme,

Pointant du doigt la vielle dame

S’avança et dit avec véhémence :

-« Mais guettez-la, guettez-la,

Si on peut dire qu’ça valait pas ça ! »

 

Le juge considéra la vieille longuement,

Consulta sa greffière un instant,

Conclut que ça valait ça

Et renvoya

La plaignante sans bienveillance.

L’assistance approuva la sentence.

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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 09:24

 

D'après "CONFLITS  POUR  RIRE" de Guy de Maupassant

 

Ce matin, dans le journal local,

Je lisais un article peu banal :

‘’Nombre de monuments religieux sont mutilés

Par des ecclésiastiques

Dénués de sens artistique.

Un artiste de renom, M. Jacques Boutet,

Vient de sculpter

Le tympan de la basilique de Dompierre.

 

Son œuvre représentait

Une scène biblique

Dans sa nudité première :

Ève recevait les hommages d’Adam.

Et de notre mère à tous, s’écoulaient

Des dizaines de couples marchant en rang.

 

Chaque fois que le curé passait devant

Le tympan trop naturel d’Ève et Adam,

Sa pudeur saignait.

Il demanda au maire la permission

De cacher un peu

Le sexe du père Adam, rien qu’un peu

Sur la dite représentation :

-« Les Monuments Historiques,

N’y verront rien. »

Promit l’ecclésiastique.

 

Mais le maire, draconien,

Refusa l’autorisation

Et congédia le desservant.

 

Qu’il fut grand

L’étonnement de la population

Quand elle vit Adam revêtu d’un pantalon,

Ajusté avec précision sur sa nudité !

 

L’édile enjoignit au garde champêtre

De déculotter notre ancêtre.

Ce fut fait au milieu des paroissiens égayés.

 

Le curé écrivit alors à l’évêque.

Et l’évêque

Adressa une lettre au conservateur

Qui, pris d’un haut le cœur,

Alerta le préfet. Mais trop tard :

La nuit précédente, des bruits bizarres

Avaient réveillé un voisin de la paroisse

Qui, rempli d’angoisse,

Se leva

Et appela

Les gendarmes et le maire.

Arrivés sur place, ces derniers virent aussitôt,

Perchés sur des échelles, le curé et le bedeau

En train d’amoindrir Adam. Le bedeau éclairait.

Le prêtre martelait.

 

-« Je vous arrête au nom de la loi. »

Hurla le maire.

Les gendarmes emmenèrent

L’homme de foi

Et le bedeau,

La lanterne et le marteau

Tandis que le brigadier

Ramassait des deux mains,

Comme pièce à conviction, ce que venait

De perdre le géniteur du genre humain.

 

L’évêque et le préfet étouffèrent

Cette grave affaire.

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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 10:11

 

Cette vieille dame dont la vie

Fut irréprochable.

Était morte sans agonie.

On sentait

L’âme douce et admirable

Que ce corps avait abritée

Elle gisait dans son lit,

Les traits calmes, ses cheveux gris

Soigneusement peignés,

La physionomie reposée.

 

À genoux, près du lit,

Son fils, un magistrat sophiste

Et sa fille Eulalie,

(En religion sœur Évariste)

Pleuraient éperdument.

 

Lui, accusait les faibles, les pauvres gens.

Elle, avait épousé Dieu par dégoût des hommes.

Tous deux haletaient,

Sanglotaient, soupiraient,

Secoués comme

Par une tempête de douleur,

 

Sa crise se calmant,

Ses pleurs se raréfiant

Telle l’accalmie qui suit un ouragan,

La religieuse dit à son frère :

-« Tu te souviens que maman

Aimait relire ses vieilles lettres.

Elles sont toutes là, dans son tiroir.

Si nous les lisions, nous pourrions revoir

Toute sa vie. »

 

Ils prirent les paquets jaunis,

En retirèrent une lettre et commencèrent :

‘’Mon adorée si chère,

Je t’aime par-dessus tout.

Depuis hier, je souffre comme un fou

Hanté par ton souvenir, ma Lucienne.

Je sens tes lèvres sous les miennes,

Tes yeux sous mes yeux, ta chair

Sous ma chair.

Je t’aime !

Je t’aime !

Vers toi, mes bras s’élancent

Avec le désir immense

De t’avoir encore.

Tout mon corps

T’appelle, te veut.

J’ai dans ma bouche le goût de tes baisers de feu.

Celui qui t’adore,

Victor.’’

 

Leur père s’appelait Louis.

Ce n’était donc pas lui !

 

Le fils lut le début d’un autre billet :

‘’Je ne puis me passer de tes baisers…’’

 

Le magistrat ferma les rideaux du lit

Et brûla tous les tendres plis.

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 07:53

 

À trente ans, je ne pensais pas à me marier.

 

Ce premier samedi de février,

J’étais invité en Normandie

Au mariage de mon cousin Gerlande.

 

Ce fut une vraie noce normande.

On se mit à table à cinq heures,

On mangeait encore à onze heures.

Comme voisine, j’avais une demoiselle Carette,

Fille d’un colonel en retraite.

C’était une jeune blondinette,

Bien en forme, hardie et verbeuse.

Durant toute cette journée de fête,

Elle m’accapara,

…M’assomma.

Je me disais : ‘’Cela passe pour aujourd’hui

Mais demain, je file. Ça suffit.’’

 

Vers minuit, les femmes se retirèrent.

Les hommes restèrent

À fumer en buvant

Ou à boire en fumant,

Si vous aimez mieux.

 

À deux heures, le château dormait, silencieux.

Repu de nourriture,

Je montais me coucher.

J’étais si éméché

Que je peinais à trouver ma serrure.

La porte s’ouvrit. Je heurtai mon lit.

Je m’étendis et m’endormis

 

Je fus réveillé par une grosse voix

Qui disait près de moi :

-« Encore couchée ? Il est dix heures, Éva ! »

Une femme répondait : -« Déjà ! »

Je me suis demandé

Ce que cela signifiait.

Où étais-je ? Qu’avais-je fait ?

Mon esprit flottait dans un nuage épais.

 

-« J’ouvre tes rideaux. », reprit la grosse voix.

Puis des pas s’approchèrent de moi :

-« Qui est là ? »

Une terrible lutte débuta.

Les voisins accoururent, affolés.

On ouvrit les volets :

Je me colletais avec le colonel Carette !

J’avais dormi auprès de sa fille cadette.

 

Le colonel, enfin calmé,

M’a interpellé :

-« Bien. Que comptez-vous faire ?

Moi, je ne vois qu’un seul moyen

Pour vous tirer d’affaire :

Vous devez épouser ma fille. »

 

Ce propos me fit sortir de ma coquille :

-« Non, je vais m’en aller ! »

-« Ne plaisantez pas, s’il vous plait.

Sinon, je vous brûle la cervelle !

Vous avez séduit

Une prude demoiselle.

Pour vous, c’est tant pis. »

-« Ne me sermonnez pas,

Je ne l’épouserai pas. »

 

Peu après, mon oncle Gerlande

Et le colonel se mirent à discuter :

-« Qu’officiellement il la demande,

Et après, nous allons négocier

Les conditions du contrat. »

 

Cette perspective me soulagea.

Je consentis

Et regagnai Paris.

 

Dès le lendemain, j’étais avisé

Que ma demande était agréée.

Les bans furent publiés,

Et les billets de faire-part envoyés.

 

Puis je me suis retrouvé avec elle

Au pied d’un autel.

Je la regardais.

Elle pleurait.

 

Au soir,

J’entrai dans son boudoir

Avec l’intention

De lui faire connaître

Mes résolutions.

J’étais le maître

Maintenant !

 

Elle vint à moi gravement :

-« Je suis prête à faire ce que vous ordonnerez.

Je me tuerai si vous le désirez ! »

Alors, je l’ai l’embrassée

Et fus bien récompensé.

 

Je suis marié depuis cinq ans

Et ne le regrette nullement.

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24 janvier 2014 5 24 /01 /janvier /2014 09:50

 

 

 

Ce premier jour d’automne, il faisait beau.

Le baron d’Armelles

Chassa avec son entrain habituel

Et tua trois guillemots.

 

Le lendemain, dès huit heures,

Il se montrait soucieux, rêveur.

À midi, une sorte de domestique

Vêtu de noir

Vint le voir.

D’Armelles fit une curieuse mimique

Et lui répondit : -« Non, demain. »

 

Le surlendemain

D’Armelles, qui pourtant était un bon fusil,

Manqua plusieurs volatiles.

Un de ses amis lui demanda, surpris :

-« Un trouble te remue l’esprit ? »

-« Cela me contrarie vraiment

Mais je ne puis rester plus longtemps. »

Et d’Armelles ordonna

Au valet en noir d’atteler.

 

L’homme en noir s’en allait

Quand l’un des chasseurs s’exclama :

-« Elle ne parait pas si urgente ton affaire

Puisque tu as chassé hier

Et même depuis quarante-huit heures. »

D’Armelles murmura :

-«…C’est que je suis ici avec ma belle-sœur. »

-« Mais où est-elle ? » -« Elle est là-bas,

Dans le fourgon.

Elle est décédée depuis mercredi. »

Régna un silence de stupéfaction.

 

D’Armelles, interdit,

Ajouta :

-« Je ramenais son corps chez elle

Mais pour rien au monde, je n’aurais raté

Notre rendez-vous.

Je ne puis davantage rester,

Comprenez-vous ? »

-« Il me semble qu’un mort

Peut bien attendre un jour encore.

Un jour de plus n’y fera rien dans son  état. »

Alors, d’Armelles se retourna

Vers le croque-mort 

Et lui cria bien fort :

-« Eh bien !

Mon ami, ce sera pour demain ! »

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27 décembre 2013 5 27 /12 /décembre /2013 10:41

D'après "AU PRINTEMPS" , de Guy de Maupassant

 

Lorsqu’arrive le printemps,

Il nous vient un désir de bonheur,

Un besoin d’épanouissement,

Une envie d’ivresse au cœur.

Je sortis. Une rumeur gaie montait de la rue,

Une brise d’amour épandue.

J’arrivai à la Seine.

Des bateaux filaient vers Suresnes.

Le pont de la Mouche était couvert de bourgeois

Car le premier soleil tire chacun de chez soi

Et tout le monde va, vient, cause avec le voisin.

 

C’était une voisine que j’avais,

Une vendeuse de magasin

À l’allure enlevée,

Une blonde mignonne et bouclée.

Sa poitrine gonflée

Provoquait une irrésistible envie

De mettre là une foule de baisers,

Pensez !

Dans sa prunelle, je vis

Le charme des tendresses dont je rêvais,

Le bonheur sans fin que je cherchais.

 

Quand j’allais l’aborder,

Un homme s’est approché :

« Dès le début de l’hiver, votre médecin

Vous prévient : 

Mettez une écharpe et un gros pull-over.

 

Mais quand arrive le printemps

Avec son air tiède, amollissant,

Moi, je vous dis :

Prenez garde à l’amour !

Il est embusqué tout alentour ;

Il a préparé ses perfidies ;

À tous les coins, il vous guette ;

Toutes ses ruses sont prêtes,

Toutes ses armes aiguisées,

Prenez garde à l’amour !...

Prenez garde à l’amour !

Il est plus dangereux que l’otite

Le rhume, la bronchite,

Voire la pleurésie ! »

 

De ces paroles, je demeurais saisi.

L’homme poursuivit : « Oyez,

Monsieur !

Si dans un endroit dangereux,

Je vois qu’un homme va se noyer

Vais-je le laisser périr ?

 

Non. Mais, maintenant, vous allez mieux saisir :

L’année dernière,

Je gagnais la rivière.

Il faisait un temps comme aujourd’hui.

J’avais envie

D’embrasser n’importe qui.

Je pris la Mouche pour Poissy.

Une jeune fille s’assit à mon côté

Je la contemplais.

 

Elle me regardait.

Il m’a semblé que nous nous connaissions

Suffisamment pour entamer la conversation.

Je lui causais.

Elle me grisait.

L’amour préparait ses rets.

 

Quand elle descendit.

Je l’ai suivie.

La douceur de l’air lui arrachait des soupirs.

Je lui proposais

D’aller

Au parc de loisirs.

Elle, devant moi, gambadait.

Et commençait à m’obséder.

Est-on bête, monsieur, par moments !

Puis elle chanta éperdument

Des airs d’opérettes

Puis la chanson Musette.

Oh, que cette musique m’a troublé la tête !

 

Monsieur, ne prenez jamais

Une femme qui chante Musette.

Jamais !

Ensuite, je lui saisis les mains lentement.

Nous nous regardâmes longuement.

Oh, son œil, comme il m’a envahi !

Il semblait plein de promesses, d’infini !

Après un quart d’heure,

Je fis asseoir la belle

Et m’agenouillais près d’elle.

 

Je lui ouvris mon cœur.

Elle parut étonnée.

J’ai senti qu’elle imaginait :

‘’Il se joue de moi. Eh bien, allons !’’

En amour, nous, les hommes,

Nous sommes toujours trop bons.

Les femmes, elles, sont des commerçantes !

 

Vous allez connaître plus tard ma tourmente.

Moi, je ne cherchais pas un corps.

Je voulais de la tendresse, encore et encore.

 

Pendant quelques jours,

Nous avons filé le parfait amour

Deux mois plus tard, nous étions mariés.

Et une semaine après,

Elle ne comprenait plus rien,

Ne savait plus rien.

Elle jacassait sans arrêt,

Confiait à la bonne nos secrets,

S’ébattait avec ma domesticité,

Racontait au concierge nos intimités,

Me débinait chez son médecin.

Elle appréciait tant les racontars crétins,

Se nourrissait d’avis si boiteux,

Accumulait tellement de préjugés douteux

Que j’en pleurais de découragement. »

 

Le bateau s’arrêtait.

La petite femme qui m’avait troublé

Se levait et sautait sur le quai.

Je m’apprêtai à lui emboiter le pas,

Quand mon voisin me saisit le bras :

-« Monsieur, n’y allez pas !

C’est un service que je vous rends là ! »


 

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25 décembre 2013 3 25 /12 /décembre /2013 10:09

 

 

La voiture s’arrêta devant une gargote 

Restaurant Pouloir

Fritures et matelotes

Barques et balançoires.

 

Mme Dutoir descendit la première.

C’était une femme forte en chair,

Trop serrée dans un corset dont la pression

Rejetait la masse fluctuante

De sa poitrine surabondante

Jusqu’à son double menton.

Puis, M. Dutoir et Florence, sa fille

Mirent pied à terre.

L’apprenti, Émile,

Déchargea la grand-mère.

On détela le bidet

On l’attacha à un piquet ;

La voiture piqua du nez,

Brancards sur le pavé.

 

Mme et Mlle Dutoir

S’installèrent sur les balançoires.

Florence prit rapidement son élan.

C’était une belle fille de vingt ans,

Les yeux très bleus,

Les cheveux très noirs et soyeux,

La bouche charnue,

Une de ces femmes dont la simple vue

Vous fouette d’un désir subit

 

Et vous laisse jusqu’au bout de la nuit

Un soulèvement des sens. Mince de taille,

Elle portait une robe jaune paille

Qui dessinait en la moulant

Les fermes plénitudes de sa chair.

Chaque fois qu’avec entrain,

Elle s’élevait haut dans les airs

Ses efforts soulignaient sensuellement

Le creux de ses reins.

Elle tenait les cordes de l’escarpolette

Les bras tendus au-dessus de sa tête

Si bien que sa poitrine se dressait

À chaque impulsion qu’elle dispensait.

Lors des descentes,

Elle découvrait de façon indécente

Ses jambes fines, jetant

Aux hommes  la regardant

L’air de sa jupe, plus capiteux

Que les vapeurs d’un spiritueux.

 

Assise sur l’autre balançoire,

Madame Dutoir

Gémissait :

-« Émile, viens me pousser ! »

Ayant retroussé les manches, l’apprenti

La mit en mouvement avec une peine infinie.

Ses formes tremblaient sur l’escarpolette

Comme de la gelée sur une assiette.

Quand elle fut élancée

Elle eut un vertige angoissé

Et poussait des cris perçants

 

Qui attirèrent tous les enfants.

 

Bientôt une servante vint.

On lui commanda le déjeuner :

Une friture, un coq au vin

Une salade, un gâteau,

Une bouteille de Romanée

Et une carafe d’eau.

 

À la table réservée par les Dutoir

Deux canotiers finissaient de boire.

Ces derniers, Henri et Florent

Jetèrent

Un sourire déférent

Mais rapide

Vers la mère

Et un regard avide

En dévisageant sa fille :

-« Laissons notre place à cette famille.

Ça nous fera faire connaissance. »

Ils se levèrent. Ils avaient belle prestance.

On accepta.

On remercia.

Les rameurs exhibèrent bien entendu

Leurs bras musclés et nus.

Pour épater Florence

Qui tournait la tête par bienséance ;

 

Tandis que Mme Dutoir, sollicitée

Par une féminine curiosité,

Admirait ces musculatures d’un air attendri.

 

Elle les comparait

Assurément

À celles de son mari

Qu’elle avait d’ailleurs depuis longtemps

Cessé de vénérer.

-« Un bien beau temps, monsieur. »

Dit la grosse dame à l’un des rameurs,

Voulant se montrer gentille.

-« Oui, madame. » répondit-il ;

Venez-vous souvent à ce restaurant ? »

-« Oh ! Une ou deux fois par an,

Pour prendre l’air ; et vous, monsieur ? »

-« J’y viens dès que je peux. »

-« Ah ! Ici, c’est mieux que Paname. »

-« Oui, certainement, madame. »

M. Dutoir parla pour la première fois :

-« Un peu plus de coq, mon amie ? »

-« Non merci, mon ami. »

-« Je vais manger le foie,

C’est le morceau le meilleur. »

 

Florent,

Maintenant

Se tapait sur la poitrine

Pour en montrer la dureté.

-« Oh ! dit Dutoir, quelle vigueur ! »

 

On but un café et une fine

On chanta quelques couplets pimentés.

Puis on se leva.

M. Dutoir acheva

 

Quelques mouvements d’assouplissement

Avant de se pendre aux anneaux, gauchement.

 

Les canotiers invitèrent

Les dames à faire un tour sur la rivière

Henri apporta

Deux lignes, des hameçons

Et des appâts.

L’espérance de prendre du goujon

Alluma le visage rubicond de M. Dutoir

Avec Émile, il alla s’asseoir

Au bord de l’eau claire.

 

Henri se dévoua; il prit la mère.

-« Au petit bois de l’île ! »

Cria-t-il.

L’autre demanda : -« Comment tu t’appelles ? »

-« Florence. », dit-elle.

-« Tiens ! Moi, je m’appelle Florent ! »

Répondit-il en la couvant

D’un regard rempli de douceur

Assise dans le fauteuil du barreur,

La jeune fille fut troublée jusqu’aux os

Par cet œil qui lui baisait la peau.

 

Henri lança : -« Nous vous rejoindrons ;

Madame Dutoir

Veut encore boire

Un gorgeon ! »

 

La yole de Florent fila à vive allure

 

Et accosta à quelques encablures.

Il prit son équipière aux hanches

Et la porta au travers d’un inextricable

Fouillis de roseaux, de lianes, de branches

Jusqu’à un asile introuvable

Que le canotier

Appelait en riant son cabinet particulier.

 

Ils étaient assis l’un près de l’autre à présent.

Lentement, le bras de Florent

Tentait d’entourer la taille de l’aventurière.

Elle, repoussait

La main audacieuse sans colère,

N’éprouvant aucun embarras

Comme si c’était

Chose naturelle ici-bas.

Lui vint

Soudain

Un amollissement du cœur

Et des désirs infinis de bonheur.

Le jeune homme l’étreignait maintenant.

Elle ne le repoussait plus.

Elle n’y pensait même plus.

Ils restèrent ainsi de longs moments.

 

Mme Dutoir et Henri devaient être assis

Non loin de là

Car on percevait de petits éclats,

De tendres et faibles cris.

Sans doute étaient-ils en plein contentement.

Florent avait posé la tête

 

Sur l’épaule de sa conquête.

Puis il l’embrassa fiévreusement.

Elle fit semblant de se révolter

Et, comme pour éviter

Un baiser nouveau,

Elle se rejeta sur le dos.

Aussitôt,

Florent s’abattit sur elle

Couvrant la belle

De tout son corps.

Il trouva sa bouche encore

Et s’y fixa longuement.

Elle lui rendit ses baisers tendrement

Le désir l’affolait.

Sa résistance s’affalait.

 

Derrière un buisson,

On s’agitait.

Florent crut voir un jupon

Qu’on rabattait

Sur une jambe adipeuse.

Au bras de son canotier,

L’énorme dame apparut

À moitié

Dévêtue,

L’œil brillant, la poitrine orageuse.

Des rires convulsifs

Illuminaient sa figure.

D’un mouvement impulsif,

Elle saisit Henri par la ceinture

Et posa un gros baiser sur son épaule.

 

On regagna bientôt les yoles

Et l’on revint à l’auberge.

M. Dutoir s’impatientait sur la berge.

La voiture était attelée

Et la grand-mère installée.

Les canotiers serrèrent

Les mains des Dutoir,

Et crièrent,

Sans s’appesantir :

-« Au revoir ! »

Un soupir et une larme leur répondirent.

 

Quelques semaines plus tard,

Florent, passant rue Bayard,

Vit l’enseigne Quincaillerie Dutoir

Il entra,

Salua

La grosse dame qui s’arrondissait au comptoir

Et demanda des nouvelles :

-« Mlle Florence, comment va-t-elle ? »

-« Très bien ; je vous remercie.

Elle vient d’épouser notre apprenti.

Comme nous n’avons pas de fils,

Ils prendront notre suite, elle et lui.

-« Sapristi ! »

-« Et Henri ? »

-« Mais il va parfaitement. »

-« Faites-lui mes compliments

Et s’il passe par là,

Dites-lui de venir nous voir…

Ça me fera plaisir. », ajouta Mme Dutoir.

 

-« Je n’y manquerai pas.

Adieu. », dit le canotier.

-« Non,…à bientôt. », répondirent les boutiquiers.

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