Le marié, Louis Paty,
Le plus riche fermier du pays,
Était un chasseur frénétique.
La mariée, Rosalie Soubic
Avait été fort courtisée
Car on la savait bien dotée.
Pour déjeuner, on s’assit à deux heures.
On mangeait encore à huit heures.
Plus on buvait, plus on engloutissait.
Les fermières oppressées,
Coupées en deux par le corset,
Restaient à table par pudeur.
L’une d’elle, plus gênée, du repas
Sortit sa rondeur.
Alors toutes, à la suite, se levèrent
Et revenaient plus joyeuses.
Les lourdes plaisanteries continuèrent.
Dans un coin, Trois convives riaient.
Ils préparaient des farces aux mariés.
Bientôt, ils en tinrent une si malicieuse,
Si fabuleuse
Que de joie, ils en trépignaient.
-C’est les braconniers
Qui vont s’en donner c’te nuit
Avec la lune qu’y a !
T’en penses quoi, Louis ?
Le marié alors vers eux se tourna :
-Qu’i z’y viennent, les braconniers !
Son voisin se mit aussi à rire :
-Ah ! i peuvent y venir ;
Tu quitteras pas ta besogne pour ça !
-Qu’i z’y viennent ! J’te dis qu’ça !
Après avoir sifflé le dernier verre
D’eau de vie
Chacun partit.
Les mariés entrèrent
Dans leur chambre à coucher
Située au rez-de-chaussée.
Comme ils avaient chaud,
Ils ouvrirent la croisée
Et fermèrent le contrevent.
Le lit était prêt
À recevoir le couple nouveau.
Ils s’enlacèrent dans un long embrassement.
D’un œil sensuel, Louis guettait Rosalie.
S’apprêtant à se mettre à l’ouvrage,
Il quitta son habit.
Elle, avait défait sa robe de mariage
Et lui dit
-Je vais me mettre au lit.
Elle dénoua son dernier jupon
Qui glissa le long de ses jambes, tomba
Autour de ses pieds et s’aplatit en rond
Par terre. Elle l’enjamba,
Et nue, dans le lit s’enfonça
Aussitôt Louis arriva,
Cherchant ses lèvres qu’elle cachait dans l’oreiller
Quand un coup de feu retentit au loin
Dans la direction du bois des Maloins.
Il se redressa inquiet,
Décrocha le contrevent
Et comme il se penchait au dehors, épiant
Toutes les rumeurs de la nuit,
Les deux bras de Rosalie
Vinrent se nouer à son cou. Et le tirant
En arrière, elle lui dit :
-Laisse, viens-t-en !
Il la palpa, la saisit
Et quand il l’étendit sur le lit
Une nouvelle détonation retentit.
Alors Louis, secoué de colère, jura :
-Nom de D… ! ils croient
Qu’à cause de toi,
Je ne sortirai pas ?
Il se rhabilla
Décrocha son fusil
Et sauta dans la cour.
Rosalie attendit
Une heure, deux heures,
Jusqu’au jour.
Son mari ne rentra pas.
Alors elle perdit la tête, appela,
Raconta la fureur
De Louis et sa course après les braconniers.
Aussitôt les valets, les charretiers
Partirent à la recherche de leur maître.
On le retrouva à deux kilomètres,
Ficelé des pieds à la tête
Au tronc d’un conifère.
Sa culotte et sa veste
Avaient été enfilées à l’envers.
Un lièvre et deux perdreaux
Récemment tirés
Pendaient à son cou
Avec un écriteau
Posé à côté
« Qui va à la chasse,
Perd sa place. »