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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 07:35

 

 

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LE SAUT DU BERGER

 

 

Ce village était mené par un prêtre austère,

Fraîchement sorti du séminaire

Et plein de haine pour ceux

Qui vivent hors des règles de Dieu,

Selon les lois naturelles.

 

Pour lui, sa sévérité était réelle.

Pour les autres, il montrait une inhumanité

Implacable. Une chose surtout,

L’amour, le soulevait de dégoût.

Eut-il vécu dans une grande cité,

Parmi les civilisés, les affétés,

Il aurait compris, c’est sûr,

Que sous une apparence pure

Bien des femmes osaient déguiser

Ces actes commandés par la nature.

 

Si pour leurs impudiques baisers,

Leurs avilissantes caresses

Il avait eu à confesser ces pécheresses

Elégantes, et nanties,

Il n’aurait sans doute pas ressenti

La révolte, la folle fureur

Qu’il avait en lui. Mais quelle horreur,

Les coïts sur la paille d’une étable

Ou sur le bois d’une table

Accomplis par des loqueteux,

De malpropres bouseux !

Il assimilait à des brutes  

Ces paysans en rut

Qui s’unissaient

A la façon des animaux.

Il haïssait ces accouplements bestiaux

Commis pour l’assouvissement

D’un instinct malsain uniquement.

 

Peut-être aussi était-il, malgré lui, angoissé

Par des appétits scabreux inapaisés ?

 

Pleins de menaces furieuses, ses sermons

Faisaient ricaner filles et garçons.

 

Il priait pour tenter d’oublier

Ces méfaits en se promenant à pied.

Au retour d’un de ses trajets

Un soir, au lieu-dit

Le Saut du Berger,

Une pluie furieuse sur lui fondit.

Aucune maison en vue.

Partout, la côte nue.

Le vent sifflait

Et l’averse criblait

De flèches d’eau sa soutane d’abbé

Complètement imbibée.

 

Il vit la hutte ambulante d’un berger.

Il y courut pour s’abriter et s’éponger.

Mais quand il ouvrit la porte, il aperçut

Deux amoureux dévêtus.

Alors brusquement

Il ferma l’auvent.

Aux brancards, il s’attela.

Comme un cheval, il hala.

Vers la pente rapide, il a entraîné

Les jeunes gens unis, étonnés.

La vitesse augmentait.

Le coffre de bois trébuchait, sautait.

 

Un homme blotti dans un fossé

Le vit passer,

Entendit des cris affreux

Et vit s’écraser tout en bas,

Le nid des amoureux.

On ramassa

Les corps broyés.

 

Le curé refusa l’entrée

De sa chapelle

A ces corrompus mortels,

Et s’abstint de la moindre bénédiction.

 

Le dimanche suivant, lors de son sermon,

Il parla encore avec emportement

Du septième commandement.

Mais l’homme qui était blotti dans le fossé

Venait de tout raconter à la maréchaussée.

Deux gendarmes arrêtèrent

Le prêtre austère.

A la porte de la sacristie,

Sapristi !

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