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11 janvier 2016 1 11 /01 /janvier /2016 05:53

Sa santé

D’après UN VIEUX (26 septembre 1882)

Le très vieux M. Caliste n’avait jamais ni bu ni fumé. Quand il disait :

-« Je tiens à MA vie. Je ne mets pas MA santé en danger », il prononce MA, comme si SA vie avait une valeur illimitée.

Quand il parlait de santé, il plaçait si haut la sienne qu’il gênait son auditoire. S’il disait MES jambes, MES bras, on sentait bien que ces membres-là n’étaient point ceux de tout le monde.

Ce distinguo apparaissait surtout quand il disait MON docteur. On aurait dit que ce médecin était est à lui, rien qu’à lui.

Un jour, celui-ci lui parla d’une station thermale où l’on garantissait aux curistes une durée de vie exceptionnelle.

Deux jours plus tard, Caliste s’y installait. Dès son arrivée, il a appellé le docteur Rivet, responsable des cures et l’entretint ainsi :

-« Je vais sur mes quatre-vingt-treize ans et suis très bien portant. Mais, j’ai besoin que vous m’aidiez à me porter mieux et durablement. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir me confier la liste de vos patients qui ont passé l’âge quatre-vingt-dix ans. Vous me direz tout sur leur état physique et leurs particularités physiologiques. Si l’un d’eux meurt, vous me préciserez la cause et les circonstances de son décès. Pour moi seul, vous lèverez le secret médical. Vous avez ma parole, je n’en informerai personne.»

Sur ce, Caliste serra la main du Docteur Rivet qui lui promit son concours dévoué.

Le jour suivant, il apportait la liste réclamée. Caliste y jeta un coup d’œil et demanda :

-« Comment va Joseph Sand ? »

Une autre fois, le docteur l’informa du décès d’Honorine Savineau, quatre-vingt-onze ans.

-« Comment est-ce arrivé ? »

-« Une angine de poitrine. »

-« Ah ! Quand j’aurai son âge, je m’observerai davantage. »

Un peu plus tard, Luc Boutet, âgé de cent ans, mourait d’une pleurésie.

Le petit vieux s’écria :

-« Il aura voulu prendre l’air après diner. Le froid est tombé sur sa poitrine. La pleurésie, c’est un accident, pas une maladie ! »

Au début du mois suivant, deux autres patients décédaient, l’un d’étouffement, l’autre de dysenterie.

Caliste en a ri :

-« La dysenterie est le mal des imprudents. Il a dû manger des plats trop excitants ! Quant à celui qui a péri d’étouffement, cela provenait sûrement d’un cœur mal examiné. »

Un autre soir, le médecin lui annonça le trépas de Pascal Touchard, dont il avait espéré faire un centenaire.

Caliste l’interrogea :

-« À quoi sa mort est-elle due ? »

-« Ma foi, je n’en sais rien. »

-« Comment vous n’en savez rien ? N’avait-il pas une affection des reins ? »

-« Non, ils étaient sains. »

-« L’estomac fonctionnait-il normalement ? Une attaque provient souvent d’une mauvaise digestion. Quel âge avait-il ? »

-« Quatre-vingt-dix-huit ans. »

-« Quatre-vingt-dix-huit,… ce n’est pas vieux pourtant ! »

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